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SYMPHONIE EN VERT ET OR

Les éclairs qui, tout à l’heure, ponctuaient vivement l’horizon de leurs zébrures, s’attardent maintenant. Tout le paysage, sous cet éclairage saccadé, prend un aspect fantomatique. On dirait que « l’électricien d’en haut » veut prendre quelques secondes pour contempler à sa guise notre petite ville éclairée à giorno et confondre, par la puissance de ses moyens, les pauvres petits phares qui entourent le camp.

L’artilleur suit l’électricien. Il allume les mèches de ses bombes et les lance dans notre direction à une cadence accélérée. Elles éclatent avec des déchirements secs que l’écho répercute dans toute l’étendue de l’espace en vrombissements assourdissants. C’est eschylien.

Cela dure depuis plus d’une heure. Un à un nous nous levons et regardons dehors. Nous sommes à la fois heureux, soulagés et terrifiés. Certains d’entre nous ont vraiment peur et ne bougent pas dans leur lit.

La foudre vient de tomber dans l’enceinte même du bourg. Nous avons entendu quelque chose craquer et se casser à l’extrémité nord du camp.

Maintenant c’est devant nous, à quelques pas de notre baraque, qu’un fil incandescent tombé du ciel vient s’abattre au bord du lac en produisant une explosion assourdissante.

Puis, avec la même rapidité qu’il est venu, l’orage s’en va porter ailleurs sa terrible et bienfaisante fraîcheur.

Le ciel s’apaise. Les feuilles des arbres s’égouttent en frissonnant. L’horizon est déjà redevenu serein. Des étoiles. Demain il fera beau, il fera bon…