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LA VILLE SANS FEMMES

lui reviennent avec acuité et on l’entend souvent murmurer :

— Mon Dieu ! Quel massacre…

L’« avocat » me prend le bras avec autorité et me dit à haute voix que « nous sommes attendus ». Et nous nous esquivons, évitant ainsi de justesse une énervante et dérisoire discussion.


***


Une fois le dîner expédié dans une température d’étuve, nous nous sommes traînés jusqu’à la cantine pour nous disputer quelques boissons glacées, comme des nectars, puis, finalement, rentrés, nous nous sommes laissés tomber sur nos paillasses au moment où des grondements lointains présageaient un orage.

La baraque est cadenassée à neuf heures, après l’appel du chef de la chambrée en présence du sergent. Le silence sonne à dix heures. Il est ensuite interdit de parler à haute voix et même d’allumer une cigarette (ce qui n’empêche que tout le monde parle et que tout le monde fume).

L’orage approche et nous sommes éveillés dans l’obscurité, incapables de trouver le sommeil.

Le tonnerre se reprend brusquement à rugir, de plus en plus près, à une vitesse vertigineuse. Les cataractes du ciel s’ouvrent enfin. L’eau coule à flots dans une éruption violente. On dirait que chaque filet est une canne frappant à toute volée nos baraques, les arbres, la terre…