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NOTRE VILLE

Ces « tire-aux-flancs » ne suivent, en somme, qu’une méthode employée par les soldats de toutes les armées du monde. C’est ce que dans l’armée française on appelle le « système D », qui consiste dans l’art de savoir se tirer élégamment des passes difficiles pour dénicher un petit coin tranquille où on se la coule douce pendant que les autres triment.

Et cela nous amène à dire qu’en fait, au camp, nous menons un peu la vie de caserne avec ses promiscuités plus ou moins ragoûtantes et ses heurts de caractères qui surprennent et qui choquent. Chacun de nous applique ici le principe commun à tous les troupiers du monde : s’il te manque quelque chose, débrouille-toi et arrange-toi de ton mieux !

Un jour, peu de temps après mon arrivée, ma casquette disparut. Je m’en plaignis à des voisins qui eurent l’air de tomber des nues. L’un d’eux qui avait été soldat me dit :

— Prends celle d’un autre et tout sera dit !

— Oui, mais l’autre, que fera-t-il ?

— Il en fera autant ou tant pis pour lui…

Malheureusement, nous avons, par comparaison avec les soldats des casernes, outre notre état d’internés, deux grandes infériorités : il y a parmi nous des hommes de tous les âges et, comme nulle sélection médicale n’a déterminé notre groupement, la vigueur physique de chacun est loin de s’établir à un niveau sensiblement égal pour tous. Si, par certains aspects, notre camp ressemble à une caserne, la réalité, c’est que notre groupement est au point de vue le plus important pour nous, le point de vue psy-