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LA VILLE SANS FEMMES

d’aider à charger ou à décharger les véhicules. D’autres se méfient de l’inspection quotidienne faite par le colonel. Cette inspection a lieu tous les matins, entre 10 et 11 heures. Certains tremblent lorsque passe le sergent-major, sachant que celui-ci peut toujours leur imposer une corvée supplémentaire.

Un jour, par exemple, à l’inspection, le colonel avait remarqué qu’une grande partie du camp n’était ni ratissée ni nettoyée et, naturellement, il passa un savon au sergent-major. Celui-ci choisit au hasard cinq ou six des nôtres qui se trouvaient autour de lui et leur intima l’ordre de prendre un balai et un râteau pour aller faire ce nettoyage.

L’un de ceux qui venaient d’être ainsi désignés pour ce travail attendit que le sergent-major fût disparu derrière une baraque puis, s’adressant à un camarade qui passait, il lui dit avec son plus aimable sourire :

— Veux-tu me rendre le service de tenir ce balai. Je reviens dans un instant.

Mais, comme bien l’on pense, il disparut pour ne pas revenir.

Quelques instants après, le sergent-major repassait par là et il ne fut pas peu surpris d’apercevoir un des hommes qui, assis par terre, fumait nonchalamment une cigarette.

— Dites-donc vous, qu’est-ce que vous f… là ?

— Moi ? répond l’autre joyeusement, je fume une cigarette et je tiens ce balai pour un ami.

Inutile de dire que le malheureux dut s’exécuter immédiatement, sans quoi il aurait écopé de deux ou trois jours de prison.