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NOTRE VILLE

Mais pour un qui se dit qu’il vaut mieux travailler que de ne rien faire, il est un autre qui ignore la vertu bienfaisante de l’effort physique aussi bien sur l’esprit que sur le corps.

— Tu ne travailles donc pas ? demandais-je un jour à un type curieux, qu’on appelait « le philosophe » parce qu’il avait le don particulier de disserter sur tout avec originalité.

— Pourquoi travaillerais-je ? répondit-il avec une moue de mépris.

— Comment ? mais le travail est un excellent tonique…

— Oui, railla-t-il, le travail : noblesse de l’homme ! C’est ce que disent les proverbes. Vous me faites tous rire lorsque je vous entends faire de semblables raisonnements. C’est de la logique sentimentale. Vous vous trouvez des raisons pour justifier ce que l’ennui vous fait faire.

— Et pourquoi pas ? Puisque nous devons mener ici une existence en dehors de l’ordinaire, aussi bien essayer de se convaincre que ce que nous faisons est utile à quelque chose et que le fait même d’être ici peut servir à quelque chose.

— Soit ! Soit ! Mais il y a un fait dont personne ne semble se rendre compte ici…

— Et c’est ?

— Personne, ici, ne semble remarquer que nous avons perdu la notion de la plus grande richesse que l’homme puisse posséder : le temps. Vois-tu, moi, j’ai toujours méprisé le vieux proverbe qui prétend que le temps, c’est de l’argent. Le temps, c’est beaucoup plus et beaucoup