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LA VILLE SANS FEMMES

Les douze baraques principales de même que les baraques accessoires sont bâties en deux rangées régulières nettement séparées l’une de l’autre par une large allée principale que nous, de Montréal, avons appelée la rue Ste-Catherine. Toutes les constructions sont solides bien que hâtivement achevées et ont, malgré leur couleur uniformément grise, une allure nette et accueillante autant que sobre. Elles donnent à l’ensemble du camp l’aspect d’une petite ville éloignée de toute civilisation et habitée par des hommes aux penchants de cénobites, où n’éclate jamais le cri joyeux d’un enfant, où l’on n’entend jamais résonner le rire argentin d’une femme.

Cette petite ville, notre ville, s’est considérablement agrandie à mesure que sa population s’accroissait par vagues successives.

Les jardinets que les Allemands, les premiers venus, avaient cultivés au bord de l’allée principale ont été renouvelés par les derniers venus, les Italiens. Chaque race y a apporté son sens propre de l’esthétique. À l’extrémité orientale du camp, où les Montréalais sont logés, deux ou trois artistes en horticulture ont décoré un parterre en sections rondes et hexagonales autour d’une immense feuille d’érable façonnée dans le sol, comme une sculpture, par des paquets d’arbres coupés symétriquement.

Enfin, les Italiens ont aménagé quatre ou cinq terrains de jeux de boules et ils ont planté une quinzaine de vastes potagers où l’on cultive toutes sortes de légumes.

C’est dans ce lieu que, peu à peu, nous avons acquis des habitudes quotidiennes qui, insensiblement, ont fini