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LA VILLE SANS FEMMES

est profondément aimé par tous ses compatriotes. Aussi imagine-t-on le remue-ménage que la nouvelle de son arrivée produit. Dès qu’il apparaît, revêtu de notre uniforme, il est littéralement assailli de questions.

Sa réponse est invariable :

— Je suis ici par la volonté de Dieu et suis heureux de l’occasion qui m’est offerte de venir en aide à ceux qui souffrent.

Mais les questions redoublent d’intensité :

— Et la guerre, cher Père ? Qu’en pensez-vous ?

Le brave homme se borne à répondre :

— Elle sera longue, très longue…

— Mais combien d’années durera-t-elle encore ?

— Trois ans, au moins, sinon davantage.

Un vieillard, à mes côtés, esquissant une moue de compassion murmure :

— Ce pauvre homme ne comprend rien à la guerre !

Nous étions en octobre 1940 ! Avec la présence d’un prêtre dans le camp, la vie religieuse prit aussitôt une autre allure. Un notaire, un avocat, un sculpteur et un ancien major de l’armée canadienne formèrent le personnel stable de l’église de la petite ville. Une chorale et un petit orchestre donnaient une majesté inaccoutumée à la messe, que le prêtre obtint l’autorisation de célébrer lui-même. Dès les premières journées froides et pluvieuses, la cérémonie qui, durant l’été, se célébrait au grand air, sous deux immenses bouleaux feuillus, et assumait par cela même une allure grandiose et primitive, fut transportée dans un des deux réfectoires qu’en quelques