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LES PRISONNIERS DES PRISONNIERS

— Mon colonel, je veille parce que vous m’avez recommandé de faire attention à l’hôpital où un incendie peut toujours éclater.

Cet officier était tellement hanté par la crainte des évasions qu’il finit par tomber malade. Il fut remplacé par un autre commandant dont la libéralité et l’esprit compréhensif nous comblèrent d’aise. Ce fut lui qui ordonna de ne plus cadenasser les portes de nos baraques le soir mais de les laisser ouvertes… Ce fut lui, également, qui fit enlever les barreaux de nos fenêtres, nous donnant la possibilité de voir le ciel autrement qu’à carreaux. Ce fut lui, enfin, qui intervint personnellement à toutes les réunions des chefs de baraque pour discuter avec nous les différents problèmes relatifs au bon fonctionnement du camp.

Dans notre deuxième petite ville, nous eûmes trois commandants successifs. Le premier semblait s’entendre très bien avec l’administration des Allemands. Le deuxième fut victime de ce que l’on peut appeler « le 6 février 1943 ».

On se souvient que le 6 février 1934, des émeutes graves d’un caractère politique se produisirent à Paris et qu’environ cinquante personnes furent tuées au cours des échauffourées ce soir-là. Notre petite ville voulut avoir aussi son 6 février. Prétextant une épuration de caractère moral, les Allemands qui formaient une sorte de S. S. dans le camp organisèrent le matin de ce jour-là une expédition punitive contre une vingtaine d’internés. Ceux-ci, désignés d’avance, furent entourés par un grou-