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LA VILLE SANS FEMMES

Il y eut, par ci et par là, les tout premiers jours, comme à Toronto ou dans la Nouvelle-Écosse, des petits incidents. Mais ces cas de caractère sporadique ont été l’effet du caractère d’une ou de deux personnes et de l’excitation générale du moment, plutôt que la conséquence d’une attitude collective, générale ou officielle.

Lorsque nous arrivâmes aux baraques de cavalerie, près de Montréal nous fûmes gardés par des jeunes soldats d’un régiment de chars de combat. Ces jeunes soldats, partis quelques jours après pour l’Europe, et peut-être morts à l’heure actuelle, se montrèrent courtois et aimables. Nous n’avions rien eu à fumer depuis deux jours et nous en étions à recueillir nos propres mégots. Sans que nous leur ayons rien demandé, plusieurs de ces braves garçons nous passèrent en cachette des paquets entiers de cigarettes. Le major qui commandait la caserne s’empressa de nous procurer des loisirs et s’occupa de nous faire assister à la messe le premier dimanche de notre internement.

Il en a été de même pour les visites que nous avons été autorisés à recevoir pendant les premiers dix-huit jours passés près de Montréal. Nos épouses pouvaient venir nous voir facilement. Puis, tout à coup, un ordre brutal. Les visites restaient permises, mais défense de se toucher. Pour s’embrasser, il fallait se placer les mains derrière le dos. N’empêche que la femme du « jeune marié » venue un soir à la brunante, obtint du sergent l’autorisation non seulement de voir son mari mais de rester seule avec lui