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LA VILLE SANS FEMMES

Départs et arrivées…

Parmi les départs, il faut enfin signaler le cas de ceux qui, n’étant pas sortis physiquement de la petite ville, en sont partis moralement… Je veux parler des désenchantés.

Pour bien comprendre ce que je veux dire, il faut se rappeler qu’au cours du bref espace des trois ans passés dans le camp, beaucoup de valeurs politiques avaient considérablement changé au dehors. Les Italiens du premier semestre 1940, au moment où ils furent internés, étaient les sujets d’un pays qui se donnait l’impression de la force. Ils pouvaient dire que leur pays était en mesure, à un moment donné, de jouer une carte importante et décisive dans le grave conflit qui durait déjà depuis dix mois. Si le Gouvernement de Rome avait maintenu sa neutralité, il aurait acquis, avec le temps, un prestige et une force sans pareilles. Que s’est-il passé exactement à Rome ? Je l’ignore et ne veux point le savoir. Toujours est-il qu’à peine entrée en guerre, l’Italie subit coup sur coup deux échecs : un en Tripolitaine et l’autre en Grèce.

Déjà, à ce moment-là, beaucoup d’Italiens dans le camp, les uns avec de la peine, les autres avec de l’ironie, se demandaient :

— Mais que sont-elles devenues, les « huit millions de baïonnettes » dont regorgeaient les colonnes des journaux romains ?

La suite des événements ne fit qu’aggraver et accentuer ces constatations. À la fin, lorsque non seulement l’Afri-