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LA VILLE SANS FEMMES

J’ignore comment sont les Japonais internés dans les autres parties du Canada, mais ceux-ci paraissent tous très jeunes, en bonne santé et assez vigoureux. Pendant les trois mois environ que nous avons passés côte à côte, nous avons pu les voir vivre et nous avons constaté qu’ils sont bien traités, qu’ils ne manquent absolument de rien. Pour leur nourriture, ils reçoivent les mêmes rations de viande, de pain, de sucre, de lait, etc. que nous recevons nous-mêmes, avec un surcroît de riz afin qu’ils puissent se confectionner des mets à leur goût et à leur choix.

La plupart de ces Japonais ne travaillent pas. Le soir, ils s’adonnent à des ébats sportifs. Remarque frappante : ils sont presque tous des passionnés du jiu-jitsu, sorte de lutte scientifique dont les coups sont très durs : On entend parfois les battus protester ou se plaindre. Alors les « professeurs » qui enseignent ce sport leur disent des choses auxquelles nous ne comprenons goutte, mais qui ont l’air ni plus ni moins d’« engueulades ».

Enfin, à la mi-juillet, nous apprenons brusquement la nouvelle :

— Le 22 au matin, tout le monde part, y compris les Japonais, et le camp est fermé.

Et où va-t-on ?

Tout le monde sait où l’on va : dans un camp situé à l’extrémité est du Canada, tout près d’un grand port de mer.

La « liquidation » du camp, où nous avons vécu deux ans, comporte de multiples opérations pittoresques et compliquées à la fois. D’abord, il faut épuiser le stock