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LA TOUR DE BABEL

son père meurt. Il se décida alors à parler et il est libéré sur l’heure.

Les plus ennuyés et les plus vivement frappés par la captivité, ce sont les marins. Pour plusieurs d’entre eux, c’est la première fois de leur vie qu’ils passent deux ou trois ans au même endroit. D’habitude, ils n’ont devant eux que les vastes horizons, l’étendue infinie de la mer avec, par ici et par là, quelques rapides escales.

Il suffit de les écouter parler :

— Dis donc, Joseph… Tu as là un beau mouchoir en soie !

— Je l’ai acheté à Yokohama, il y a cinq ans, et il est encore tout neuf…

— C’est comme moi !… Tu vois les chaussettes de laine que je porte ? Elles viennent de Melbourne. Elles sont une merveille… Elles durent encore !

— Cela ne vaut pas l’aventure qui m’est arrivée à Odessa… On venait de jeter l’ancre lorsque une sorte d’Hindoue monta à bord et…

Les marins revivent ainsi, dans leurs souvenirs, les périples accomplis autour du monde, en évoquant des soleils de feu, des villes de féerie, des paysages de légende.

Bien entendu, il ne suffit pas d’être marin pour se lier d’amitié avec un marin. Il y a une sorte de barrière qui se forme entre les groupes de marins appartenant à différents paquebots. Ainsi, les vingt-cinq Italiens composant l’équipage d’un transport capturé dans les eaux du Saint-Laurent avec son commandant, son état-major, ses cuisiniers et même ses mousses, au moment où ils sabordaient