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le 28 juin 1940


La nuit, majestueuse et effrayante, descend sur la forêt où j’ai l’impression que nous sommes ensevelis. L’ombre a enveloppé de moire les sommets des bouleaux aux tons clairs et rabattu les flancs symétriquement découpés des sapins. Elle a éteint peu à peu les émeraudes qui miroitaient aux branches des érables et estompé les lignes droites des vieux chênes.

La nuit a même soufflé le dernier reflet opalin des eaux engourdies du pauvre petit lac qui, seul, sur un flanc du paysage, cherche à nous donner l’illusion qu’il existe encore un horizon.

Puis, d’un seul coup, l’ombre a escamoté les milliers et les milliers d’arbres dressés tout autour de nous comme les murs d’une prison en plein air.

La joie des couleurs est définitivement perdue, à présent, dans le néant des ténèbres.

Tragédie quotidienne de la nature, mais particulièrement symbolique ce soir. Plus rien ne paraît de ce qui est sur terre, hormis les rayons des phares électriques très puis-