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LA VILLE SANS FEMMES

est capable… Pour la première fois de ma vie, la jalousie me ronge.

« Moi, qui, pour des raisons d’utilité personnelle, faciles à comprendre, avais toujours soutenu qu’il ne fallait pas s’étonner des infidélités physiques, car en amour la seule fidélité qui compte est celle du cœur, je commence à éprouver, précisément au cœur, une brûlure qui s’accentue de plus en plus. La connaissant comme je la connais, je sais ce qu’elle peut apporter de bonheur ou de joie à un autre. Chaque jour je m’aperçois qu’elle m’échappe un peu plus et je ne peux rien faire pour la reprendre. Les lettres s’espacent. Quand je reste huit jours sans nouvelles d’elle, je sais d’avance le prétexte qu’elle invoquera pour justifier son retard. Car pendant de longues années j’ai moi-même joué de tous ces prétextes, de toutes ces ruses, de toutes ces roueries. Maintenant, c’est fini !

En disant ces mots, « Don Juan » s’est levé et a regardé par la fenêtre la désolation de la forêt toute blanche.

— Voilà, dit-il, la Bérezina où s’effondre le Napoléon de l’amour que j’ai été…

— Comment, rétorquai-je sur un ton badin pour essayer de le distraire de son visible désespoir, vous en êtes donc à renier l’Amour ?

« Don Juan » se retourne vers moi d’un mouvement brusque. Ses yeux sont étincelants :

— Cela, jamais ! dit-il d’une voix tranchante. Pour l’Amour, je n’ai aucun repentir ni aucun reniement. Ce sont les complications morales, sociales, matérielles ; les con-