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LA VILLE SANS FEMMES

Le moment est arrivé où je ne puis plus penser ni au passé, ni à l’avenir… ces deux espaces formidables, si commodes pour l’agrément de l’esprit. Je suis confiné dans le présent. Et le présent d’un prisonnier, n’est pas « le temps sur des ailes rapides »… mais une image de plomb, effondrée dans un coin.

L’ennui a aussi ses fantaisies. Des jours, je désire me voir avec deux nez ou trois yeux, ou la tête tournée en arrière. Histoire de changer. Mais je ne change pas. Personne ne change. Rien ne change.

Toujours la même promenade, dans le même camp… Le même lac et la même forêt… Les mêmes cailloux par terre, à la même place… Les mêmes fils de fer barbelés… les mêmes mitrailleuses.

Et l’on n’y rencontre jamais ni une femme, ni un enfant !

***

Rêver !… Aimer !…

Sortir du pauvre limon originaire, pour devenir quelques instants un pèlerin de l’infini !

***

Le « philosophe » m’a dit ce matin :

— Tu t’étonnes que tous les types d’ici ne pensent qu’à leur femme. C’est tout à fait naturel. L’homme est composé de cœur et d’intelligence. Et le cœur a une vie à part. Il a besoin d’un aliment : espoir ou