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LA VILLE SANS FEMMES

Tout autour, on entend les oiseaux chanter d’une voix si légère, si joyeuse, si allègre, qu’on a l’impression de les voir sautiller de branche en branche.

Dans la forêt qui nous entoure, les taupes s’abandonnent à des courses aventureuses… Les crapauds, en longue théorie, gagnent les petites mares en vue de leurs recherches amoureuses.

Les insectes quittent leur dépouille larvaire, se déshabillent des cocons, sortent de sous la terre, de sous les écorces et, menant leur vie parfaite, s’accouplent avant de mourir.

Les arbres craquent sous les pousses nouvelles. La terre elle-même bouge, exhale une odeur épaisse, une fermentation d’ivresse.

C’est le printemps ! le vrai !

Les hommes de la petite ville ressentent eux aussi la blessure languide de leur douloureux désir. Mais ils sont sans femmes !

***

Chaque médaille a son revers.

Il y a des hommes qui ont souffert constamment à cause d’une femme aimée. Pendant toute la durée de l’amour, une sorte de brouillard a entouré leur esprit.

Ici, délivrés de l’obsession amoureuse, on dirait qu’une grande clarté se soit formée en eux. Ils éprouvent de l’amertume à se sentir seuls. Mais cette amertume n’en garde pas moins sa force tonifiante.