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LA VILLE SANS FEMMES

Charles d’Orléans qui, au début du XVième siècle, vécut vingt ans interné, disait :

C’est le printemps…
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluye,
Et s’est vestu de broderye
De soleil riant, cler et beau…
Il n’y a beste, ni oiseau
Qu’en son jargon ne chante ou crye…

Nous chantons aussi, comme nous pouvons. Et nous crions. Car, en ce moment où la nature tout entière célèbre son renouveau, nos âmes traversent leur période de ressuiement. Autour des baraques, près des planches noircies par la fumée de l’hiver, il y a de l’herbe qui sent bon. Des petites fleurs attirent les premiers papillons blancs. On dirait qu’une brusque folie s’est emparée des vivants.

Les chats de la cuisine, les petites chattes gris perle adoptées par les Canadiens français, s’en vont dans la nuit, par le camp, balançant leur corps dans une ondulation glissante, miaulant, se plaignant comme si une étrange peine coulait en eux et se mêlait à la douceur de l’espace.

Le chien du censeur vient de grand matin aboyer son aubade langoureuse sous les fenêtres de la baraque habitée par les deux petites chiennes de l’ancien propriétaire de cirque.