Page:Duliani - La ville sans femmes, 1945.djvu/207

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Eh bien, oui ! Il faut appeler les choses par leur nom. Dans cette petite ville où, compte tenu de la situation générale, nous sommes bien nourris, bien traités, bien soignés, un seul « détail » suffit à rendre l’existence presque insupportable. Cette ville est « la ville sans femmes » !

Là réside le drame. Pas ailleurs.

Pas pour moi seulement. Pas exclusivement pour ceux qui sont ici, dans le camp. Mais également pour tous les habitants de tous les autres camps d’internés éparpillés dans le monde.

C’est à vous que je pense en écrivant ces lignes, à vous tous en captivité dans les pays alliés ou dans les pays ennemis, en France ou en Belgique, en Allemagne ou en Italie, en Russie ou au Japon. Vous tous, soldats, marins, aviateurs, civils, relégués dans des enclos entourés de sentinelles et de fils de fer barbelé, pour des raisons militaires, politiques, religieuses ou d’ordre public, jetés, volontairement ou non, coupables ou innocents, dans la mêlée de la guerre… vous tous qui souffrez dans votre chair vivante du même mal, et endurez la même peine.

Chaque groupe de personnes qui vivent ensemble possède une sorte d’esprit collectif lui appartenant en propre.