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LES MUSES

sons parlées, qu’il débite sur un ton pince-sans-rire irrésistible. Son grand succès est Suzy, parodie du Napolitain en Amérique qui parle l’anglais avec un fort accent natif.

C’est encore un gai luron que ce Montréalais robuste à l’entrain et à la bonne humeur duquel ceux d’entre nous qui restèrent enfermés pendant plus de trois semaines dans les cellules d’une prison doivent des instants de réconfort. Il possède un bagout intarissable et le talent de cent bonimenteurs de foire mis ensemble. Il s’est créé une double popularité en détaillant avec force sous-entendus verveux la rime grivoise et en poussant la note sentimentale. Cet amateur-phénomène a même innové dans le genre en construisant en plein air un jazz monstre pour lequel il a utilisé jusqu’aux boîtes de café vides en tôle et des tessons de bouteilles pour obtenir des sons. Mais l’appareil était si encombrant qu’un beau jour le sergent-major le lui fit démolir. Les instrumentistes sont nombreux. Nous avons un duo de guitare et de mandoline — deux amateurs de Hamilton — qui est excellent. Ce sont deux musiciens avertis et parfaits, au point qu’un soir, au cours d’un banquet, ils purent exécuter le fameux « quatuor » de Rigoletto.

On raconte que, le soir de la création de Rigoletto à Paris, Victor Hugo pleura et s’écria :

— Qu’on donne à la poésie le moyen de s’exprimer avec quatre rimes à la fois comme la musique fait chanter quatre voix ensemble, et je pourrais, peut-être, faire aussi bien que Verdi !