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« N’IMPORTE OÙ, HORS DU MONDE… »

toujours assez nombreux. Ici, ce sont surtout les Canadiens qui excellent, car il s’agit en somme d’un sport national.

Enfin, laissant de côté les arts pour le chapitre suivant, il y a une distraction qui pourrait être pratiquée avec profit par tous : la lecture. Mais elle n’est pas si aisée que l’on peut croire, surtout pendant la mauvaise saison. En effet, durant l’hiver, la baraque, cette frêle forteresse érigée contre le froid, devient une sorte de centre du monde. Dehors, tout est hostile, étranger. La pluie, la froidure, la brise… Parfois il fait beau, c’est vrai. Le soleil brille sur les cristaux de la neige avec des reflets irisés. Mais — et surtout dans le deuxième camp où nous avons habité — nous avons dû soutenir jusqu’à quatre, cinq jours de pluie d’affilée. Ensuite, le vent souffle pendant autant de temps avec une violence inouïe. La neige, soulevée en poussière, traverse le camp en rafale, s’amoncelle derrière un talus qui entoure le réfectoire, formant des barrières qu’il faut attaquer à la pelle, le matin, lorsqu’on veut passer pour aller au premier repas. On rentre du déjeuner en courant, la peau râpée par le froid humide et la neige.

C’est alors que, dans la baraque, l’existence devient intolérable.

Des soixante-dix hommes en moyenne qui l’habitent, il y en a qui parlent, qui sifflent, qui chantent, qui jouent divers instruments de musique, qui se bataillent aux cartes, qui discutent politique, qui travaillent aux « souvenirs », avec la lime, la scie, le marteau, et raclent