Page:Duliani - La ville sans femmes, 1945.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.
169
L’HEURE DU VAGUEMESTRE

toutefois, que, lorsque je me lève, je suis un homme d’étoupe. Mais, d’ailleurs, rester couché, n’est-ce pas la même chose que rester assis ? J’ai essayé de me promener. Mais de me retrouver à chaque cent verges le nez devant les fils de fer barbelés, cela me donne le vertige. Je dois alors m’arrêter. Je me remets au lit. On raconte que, quand Charles XII alla se livrer aux mains des Turcs, il resta une année entière sans se lever de son lit. Je me sens capable de devenir son émule. De grands hommes peuvent parfois être imités par de petits ! »

Et, pour finir, voici deux petits faits dont je garantis l’authenticité.

Un jour, le porte-parole des internés fut appelé chez le colonel. Après un long entretien, je le vis revenir, l’air soucieux, et s’approcher du « jeune marié » qui avait été admis à l’hôpital depuis quelques jours souffrant d’une grippe. Le spokesman lui demanda presque à brûle-pourpoint :

— Aurais-tu l’intention de t’évader ?

— Moi ? fit l’autre en sursautant.

— Pourtant, répliqua le spokesman, je viens de voir, chez le commandant, une lettre que t’écrit ta femme et elle contient un dessin mystérieux tracé au crayon rouge.

Le jeune marié protesta :

— Qu’on me montre cette lettre et je pourrai dire de quoi il s’agit. Comment veux-tu que je réfute une semblable accusation sans voir le document ?

Bref, le jeune homme s’habilla et s’en fut chez le commandant. Celui-ci lui présenta une lettre de sa femme. Au