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LA VILLE SANS FEMMES

Et le camarade répondait :

— Merci, il va beaucoup mieux…

— Ta femme, demandait un autre, a-t-elle pu toucher l’argent chez le séquestre ?

Pour un peu, ces déshérités du sort auraient versé des larmes pour le compte des autres.

On entendait encore des conversations comme celle-ci :

— As-tu du courrier aujourd’hui ?

— Oui, une longue lettre de chez moi.

— Ah ! et quelles nouvelles ?

— Euh… il n’y a pas de nouvelles…

— Ça ne fait rien, dis-moi même ce qui n’est pas vrai. Ça m’amusera toujours !

Certaines lettres de femmes à leurs maris étaient inspirées d’une grande noblesse de sentiments. Voici un passage que j’ai copié d’une lettre qu’un camarade m’avait montrée :

« … Je vous prie, vous tous les hommes qui êtes internés, de cesser de penser à nous. Nous avons beaucoup de courage et nous en faisons bon emploi. Rappelle-toi ce que tu m’as dit, que tu n’as rien à te reprocher et que ta conscience est nette. Je le sais aussi. Tu as toujours été honnête, bon, et respecté par tous ceux qui t’ont connu. Ainsi, mon chéri, avec toutes ces qualités, tu es bien armé pour supporter les petits et les grands travers de la vie. Sois, à n’importe quel moment, toujours croyant : c’est là la plus grande consolation, parce que Dieu est juste et bon. Quand nous avons foi en lui, nous possédons le bien suprême. »