ville. C’est pire. Car l’eau dégouline lentement sur nos pauvres baraques, donnant l’impression qu’il pleut partout dans le monde.
La rue ste-catherine, remplie d’ordinaire d’une animation factice, mais néanmoins de mouvement, est silencieuse et déserte. De temps à autre, un homme traverse, en courant, la rue pour aller à la cuisine. C’est tout. Verlaine chante encore à mon oreille :
Il pleut sur la ville
Comme il pleut dans mon cœur
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur
Cette langueur, je sais d’où elle me vient. Depuis quatre jours, je n’ai eu aucune lettre de toi.
D’abord, j’ai pensé à un retard du service postal. Ensuite à un surcroît de travail de notre censeur. Hier soir, après la distribution du courrier, mon nom n’ayant pas été appelé, je suis allé demander au chef de ma baraque s’il était sûr qu’il n’y avait rien pour moi. Il m’a répondu :
— Absolument rien !…
J’ai failli lui crier :
— C’est impossible !…
C’était pourtant vrai ! J’ai contraint alors l’émotion qui s’emparait de moi. Je me suis obligé à ne pas tenter de lire, dans la salle de toilette, jusqu’à trois heures du matin.
Enfin, quand je me suis allongé sur le lit, j’étais tellement vanné, que je me suis endormi d’un sommeil peuplé de cauchemars.