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MARMITES ET MARMITONS

— Pourquoi les soldats chantent-ils ainsi ?

— Mais, répondit l’autre, parce qu’ils sont gais. Ils ont touché la paye !…

On imagine la tête de celui qui avait imaginé toute cette comédie dans le seul but de savoir… si, vraiment, la guerre était finie !

***

Pour revenir à notre propos, dès un repas terminé, la cuisine est dédaigneusement abandonnée par les cuisiniers, qui se retirent dans le réduit du boulanger où ils mangent à leur tour, et elle devient la propriété des « laveurs de vaisselle ». Cette équipe fait des merveilles, puisqu’elle parvient à rendre reluisants nos couverts de nickel, à astiquer et désinfecter nos assiettes en étain et à redonner leur candeur première à nos bols en émail pour la soupe.

Leur « chef » est un Anglo-Canadien de Toronto.

C’est au rythme endiablé d’un jazz à tue-tête que les « rinceurs » de vaisselle, le torse nu ruisselant de sueur, auréolés de buée savonneuse, sentant bon la lessive, jonglent avec les assiettes comme des prestidigitateurs avec des cerceaux de bois.

Une ombre au tableau : le regret de « l’ingénieur » dont j’ai déjà parlé, le seul Italien du groupe, de n’avoir pas eu le premier l’idée d’adopter une méthode nouvelle pour plonger dans l’eau bouillante vingt assiettes à la fois et les sortir toutes propres tout aussi simultanément.