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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

que les cartes amusent et distraient. Les enfants connaissent les cartes, les matelots s’en occupent sur leur bord, les soldats dans leur corps de garde, les officiers dans leurs tripots, les moines dans leurs cellules ; enfin, l’auteur de ce livre barbouillé s’est rendu immortel ; il ramasse, occupe, délasse, fatigue journalièrement plus de monde lui seul que tous les livres qui ont été faits jusqu’à ce jour ; la mode, qui change nos habits et nos idées, a plus respecté ces chiffons que la religion ; celle des premiers sages a changé, les cartons peints ont conservé la grotesque parure de nos pères, et le valet de carreau a gardé sa belle réputation[1]. » Je trouvai les hommes de la belle cave insensés, de perdre les courts moments de la vie à manier ainsi le valet de trèfle et à se couper la gorge pour le sept de pique.

Nous reçûmes la visite de quatre messieurs ; en entrant, ils tirèrent un pied derrière l’autre, se plièrent comme des cercles, abordèrent Ariste en lui disant : « Cher comte, es-tu toujours misanthrope ? ne songes-tu pas à ce délicieux Paris ? est-ce là le bijou étranger ? il est joli ! » ils vinrent voltiger autour de moi, me firent cent questions d’une haleine ; je fus piquée de cette familiarité. « Savez-vous, me dit l’un, l’histoire de la Deschamps, elle

  1. Alexandre, César, Louis XIV et Frédéric n’auront jamais l’immortalité des rois de cœur, de pique, de trèfle et de carreau. Ces quatre rois placés au Temple de Mémoire devraient guérir leurs confrères de la vanité des conquêtes.