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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

donc des vertus de tes idées ? Dis-moi quelle est cette vilaine bête de capucin ? — C’est un moine qui a fait vœu de ne pas se servir de ce que tu as vu, en promettant au maître de notre cave de ne point faire d’enfants. — C’est dommage, il a de quoi me faire plaisir ; et si l’on pouvait aimer un monstre, je crois qu’il s’en tirerait habilement : mais je me fâche : pourquoi ce moine a-t-il promis au maître de ta cave de ne point faire plaisir aux filles ? — Pour être plus agréable à notre père commun. — Écoute, si tu te crevais les yeux pour ne point voir ta belle voûte, serais-tu agréable à ton maître ? — Non, assurément ; — Ce moine est bien animal de faire une pareille promesse ! Ta privation de la vue n’affligerait que toi, son vœu fait tort à une fille et tu m’as dit que c’était un mal de faire tort à quelqu’un[1]. »

Nous continuâmes à parler sur l’habit du capucin, auquel je ne pouvais m’accoutumer. Je demandai pourquoi ce moine était ainsi fagoté ? — « C’est pour plaire au maître de ma cave ; » c’était toujours le refrain des raisonnements d’Ariste. — « Ton maître, qui fait de si grandes choses, aime-t-il les infiniment petites ? Peux-tu croire qu’une figure, qui me fait horreur, puisse lui plaire ? Quand j’étais dans ta cave, si j’avais mâché du pain, et collé ce pain mâché à mon derrière pour te plaire, cela t’aurait-il

  1. On doit excuser Imirce, elle ne connaît pas encore la religion, le mérite d’un habit de capucin, ni l’excellence et l’utilité des vœux monastiques. La nature ne peut lui inspirer que l’horreur pour cet état. La révélation rectifiera sans doute ces mauvais sentiments de la nature.