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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

c’est nous qui les avons faites pour assurer à chacun le sien. — Tu fais donc des lois pour te donner la puanteur ? Je ne comprends pas. — Écoute, ma chère, cet homme est pauvre, s’il veut avoir du pain, il faut qu’il travaille comme les ouvriers de mon fermier. — Comment peut-il travailler, il n’a qu’un bras ? Comment ferais-tu si tu n’avais qu’un bras ? — Dans ce cas, il demande l’aumône, chacun la lui donne. — Lui donne-t-on toujours ? — On la lui refuse souvent : — Vous êtes des monstres, vous savez que cet homme ne peut gagner son pain, loin de courir le soulager, vous le laisseriez périr s’il ne venait toucher votre pitié. N’est-il pas affreux pour l’humanité de laisser les malheureux dans la misère ? n’augmentent-ils pas ta honte quand ils sont dans la rigoureuse situation de promener leurs malheurs, leurs infirmités et leurs cicatrices. Les gens de ta cave sont durs, leurs cœurs sont comme elle, remplis de bien et de mal. »

Un aveugle jouant du violon, vint nous demander l’aumône. « Pourquoi, dis-je au philosophe, cet homme, qui ne voit goutte, joue-t-il du violon ? Est-il charmé d’être privé d’un sens aussi utile que celui de la vue ? — Non, il joue de cet instrument pour nous exciter à la compassion. — Comment, tu n’es pas assez touché de son malheur, il faut donc réveiller ta charité par la joie et la douleur ? Tu es singulièrement charitable ! »

Dans notre chemin, nous rencontrâmes un bois, je priai mon conducteur de descendre ; nous nous