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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

quoi portes-tu cela ? — C’est pour me faire honneur. — Est-ce aussi pour t’en servir ? — Oui, quelquefois. — Tu es donc un scélérat, tu as une épée à ton derrière, un tonnerre au bout de ta canne pour donner la puanteur, tu aimes donc bien la puanteur ? — Non, je la déteste comme toi ». Il m’expliqua le point d’honneur, la façon décente de s’égorger, et les cruautés du duel, je vis des horreurs dans les hommes civilisés, des monstres apprivoisés par l’amour-propre et par l’orgueil.

La femme du fermier entra dans ce moment, elle interrompit notre conversation. Cette femme tenait dans ses bras des chiffons d’où l’on voyait éclore une tête à peu près semblable à celle de mes enfants. Cette paysanne était presque noire, je demandai pourquoi elle avait un visage si brouillé ; on me dit que c’était le soleil qui avait ainsi brûlé son teint. Cela m’indisposa encore contre le soleil. Je demandai quelle était cette figure enfagotée qu’elle tenait dans ses bras ? « C’est un enfant », me dit-on. — Il n’a ni pieds ni pattes ! — C’est l’usage chez les peuples policés, d’étouffer ainsi les enfants dans les guenilles. » Je trouvai les peuples policés très barbares.

Ariste me conduisit dans la basse-cour, je vis quantité de bêtes de différentes espèces, je m’amusai à les examiner. Le coq, accompagné de ses poules, me parut charmant, sa contenance majestueuse fixa mes regards : Ariste me dit que cet animal avait plusieurs femmes, qu’il pouvait les

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