Page:Dulaurens - Imirce, ou la Fille de la nature, 1922.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
62
IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

l’accroissement des derniers ; chaque espèce est tellement multipliée qu’il est impossible de la détruire ; les insectes que j’écrase ne sont qu’un point dans une ligne infinie. — Tu déraisonnes toujours, lui dis-je, tu détruis une partie de ces insectes et tu t’imagines, en faisant le mal, de faire grâce au tout que tu ne peux détruire ; tes bienfaits sont singuliers. » Il me donna encore des raisons pour m’expliquer son système, je ne vis dans sa cave qu’un peu de bien, beaucoup de mal, et encore quelquefois assez mal combinés.

Le flambeau du monde commençait à m’importuner : « Comment, disais-je au philosophe, ta cave est comme celle où j’ai vécu, mêlée de bien et de mal ; ton soleil m’incommode, il a tort : devait-il paraître si brillant pour me faire mal ? » Nous rentrâmes au château, j’allai au miroir, le soleil avait terni mon teint ; je demandai à Ariste la cause de ce changement. Il me dit : « L’ardeur du soleil a brûlé ton visage. » J’en fus très fâchée, et, depuis cette découverte, je n’aimais plus le soleil.

Un peu avant le coucher de cet astre, le philosophe me conduisit dans ses jardins ; je vis le soleil terminer sa carrière, il grandissait en se plongeant dans le sein de l’onde ; il ranimait de temps en temps ses rayons, en jetant des regards de feu sur la terre, qu’il semblait quitter à regret. Du côté opposé, je vis paraître un astre plus bénin et plus doux, mes yeux en supportaient l’éclat tempéré. Cette voûte où nageaient des flots de lumière fut