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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

nom qu’il m’avait donné, il signifie l’amante de la nature) n’est pas le maître de ma cave, c’est le flambeau du monde et le père des saisons. »

Le philosophe me fit rentrer dans la maison ; elle me parut un cachot aussi affreux que la cave où j’avais été élevée. Je ne pouvais concevoir pourquoi les hommes habitaient des châteaux, quand ils avaient une si belle cave que le monde et une voûte aussi radieuse que le ciel. « Comment, disais-je à mon amant, tu n’aimes donc pas le maître de la belle cave, puisque tu préfères de t’emboîter dans des pierres, au plaisir de jouir constamment des merveilles dont il recrée les yeux ? »

Le ciel, si beau, commença tout à coup à se brouiller ; j’étais à la croisée à voir courir les nuages bruns et épais : je m’écriai au philosophe : « Ta belle cave se gâte ! je ne vois plus ton soleil ! ta cave ne dure pas comme la nôtre ! est-ce que la puanteur se mêle aussi de ton monde ? » Un bruit terrible et formidable se fit entendre, la voûte de la cave parut toute en feu. « Ô Ariste ! ton soleil est tombé dans la puanteur ! » Le tonnerre, la pluie redoublaient : j’étais tremblante. L’artifice que j’avais vu dans ma prison n’était rien en comparaison du spectacle éclatant de l’atmosphère embrasée. Mon amant calmait mes frayeurs ; je demandai pourquoi le maître de sa cave[1] me faisait tant de peur ? « Il

  1. M. le marquis de Caraccioli et les sots disent quand il tonne, que le bon Dieu est en colère : apparemment que le bon Dieu ne se fâche que dans l’été.