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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

Ariste nous envoya un miroir ; l’éclat de cette glace nous remplit d’admiration et de frayeur. Emilor s’avança ; surpris de voir la figure doublée, il parut un moment embarrassé ; il m’appela ; je vis ma physionomie groupée avec la sienne ; ces deux objets réunis n’étonnèrent plus mon époux. Je laissai tomber le miroir, il se brisa en vingt pièces ; Emilor en ramassa un morceau, gratta le vif argent avec l’ongle, le miroir n’eut plus d’effet ; il me dit alors : « Le maître du panier fait de grandes choses avec rien ».

Je conservai précieusement quelques pièces du miroir ; elles devinrent bientôt un trésor pour moi. Cent fois le jour, je m’examinais dans les morceaux de cette glace, je souriais à ma figure, je m’applaudissais d’être jolie. Les jours que je trouvais mon teint battu, je m’enfonçais dans la cave, je ne voulais point paraître au grand jour ; j’affectais des migraines ; j’avais déjà le bon ton des femmes de condition : je n’en avais pas les termes, j’étais encore trop provinciale.

Il nous vint un singe. Cet animal, si semblable à l’homme, nous fit naître mille réflexions ; nous le trouvâmes moins parfait que nous ; ce qui persuada à mon ami qu’il y avait deux maîtres de la cave. « Celui qui a fait ce laid homme, disait-il, n’est pas si parfait que celui qui nous a formés. » Quelques jours après, le singe remonta avec le panier.

Ce départ donna envie à mon époux de nous mettre aussi dans le panier. « Allons voir, me dit-il,