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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

Un matin nous trouvâmes une rose dans le panier ; nous fûmes saisis d’admiration à ce colifichet de la nature. La bonne odeur de la rose nous fit croire qu’elle n’était pas un ouvrage de la puanteur ; nous la plaçâmes avec vénération vis-à-vis de nous, nous nous mîmes ventre à terre pour savourer son baume délicieux. Deux heures après la rose se fana ; nous crûmes que la puanteur l’attaquait. Mon époux me dit alors : tout ce que fait le maître du panier n’est pas bon, puisque la puanteur gâte tout ; il paraît qu’elle a plus de pouvoir que lui ; il fait les choses, elle les détruit ; il y a sans doute deux maîtres de la cave ; l’un fait le pain, l’autre la puanteur.

Le philosophe ou le propriétaire de la cave, que j’appellerai Ariste, observait par une lucarne ce que nous faisions. L’aventure de la rose l’avait étonné ; il nous envoya un perroquet. La beauté de l’oiseau nous ravit ; nous crûmes qu’il était le maître de la cave, nous courûmes à lui ; l’oiseau eut peur ; il voltigea, ce mouvement inconnu nous remplit de respect pour lui ; mais Emilor le voyant manger au panier, me dit : « Cet être n’est pas le maître de la cave, il a peur de la puanteur, il mange pour s’en préserver ». Le perroquet chanta un couplet ; il me parut joli aussitôt que je sus le français. Voici les paroles :

Heureuse mille fois, heureuse l’inconstance
Le plus parfait Amour
Est celui qui commence
Et finit dans un jour.