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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

Devenue mère, mes occupations étaient le soin de mon enfant : la nuit, quand il pleurait, son père le portait doucement à mon sein ; il partageait avec moi les travaux de son enfance. Nous étions heureux, nous comptions toujours l’être. Un matin, je m’aperçus que l’enfant était sans mouvement, nous jetâmes des cris horribles, nous ne savions pas que c’était la mort ; nous mîmes cet innocent entre nous deux pour le réchauffer et le rappeler à la vie. Quelques jours après l’infection nous obligea de l’écarter ; la puanteur augmentant, nous l’éloignâmes encore ; et ne pouvant plus soutenir l’infection du cadavre, nous le mîmes où étaient nos immondices. Chaque jour nous allions voir ce que devenait cet enfant. Une multitude d’être sortis de son corps nous surprirent ; quelque temps après, nous ne vîmes plus que les os. Cet événement nous donna de l’inquiétude ; nous ne pouvions comprendre pourquoi l’enfant était dans cet état, pourquoi il avait passé si subitement de la vie à la mort, que nous appelions la puanteur.

La connaissance de la mort altéra notre joie : un secret pressentiment semblait nous annoncer le même malheur. Nous commencions à nous communiquer nos idées, nous nous demandions depuis longtemps qui avait fait la cave ? pourquoi on avait fait la cave ? nous ne pouvions comprendre comment on avait pu la faire avec rien. L’idée que nous attachions à ce mot était que nous n’avions pas de quoi en faire une pareille. Tantôt nous nous deman-