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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

se passa à sauter, à courir, à prendre mille attitudes ; nous avions de la joie : l’instant où elle était plus sensible était le moment du panier. Nous nous entendions déjà ; nous avions peu de mots, aussi avions-nous peu d’idées. Nos paroles sortaient du gosier, et nos termes tenaient assez du cri disgracieux de certains animaux.

Le garçon, que j’appelais Emilor, qui veut dire la force et la joie de mon être, couchait à mes côtés ; il ne me quittait pas ; ma gorge avait crû sous ses yeux. Cet objet le captivait ; il la caressait sans cesse : je me fâchais quelquefois ; ses grands ongles me blessaient ; Emilor apprit insensiblement à la toucher moins rudement ; j’en fus aise.

Mon compagnon m’accablait d’amitié ; les objets destinés à nos plaisirs étaient ceux qui nous intéressaient davantage. Nous ne cessions de nous toucher, de nous examiner ; nos cœurs purs comme le jour et nos mains innocentes ne trouvaient point déshonnêtes ces caresses naturelles. Semblables aux enfants des peuples policés, dont les préjugés n’ont pas encore altéré la tranquille candeur, on les voit entre eux jouer à la mère, se donner le fouet, parcourir avec émotion les lieux les plus secrets de leur corps. Cet instinct chez les enfants, est sans doute celui de la nature : c’était le nôtre[1].

  1. La plupart des lecteurs avoueront, s’ils sont sincères, d’avoir fait ces petites polissonneries dans leur enfance. M. l’Évêque de… me dit un jour : j’ai joué à ces jeux innocents avec des petites filles de mon âge ; elle me faisaient des
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