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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

beaux préceptes de mon éducation ne tenaient pas contre les dangers de Sophie. Hélas ! pourtant, quelle éducation, ou plutôt quels fruits ! j’avais déshonoré ma parente et j’allais plonger mon épée dans le sein de son père.

Mon oncle, avec les lumières de la nouvelle éducation, était un imprudent de rendre ses domestiques témoins de la honte de sa fille : mais, dira-t-on, il n’est point aisé de se posséder dans ces moments ? l’histoire de mon oncle, sa brutalité, arriveraient à tous les pères et mères : elles ne doivent pas arriver à Émile, c’est Jacques qui le dit.

Consterné du sort malheureux de Sophie, honteux d’avoir violé les droits de l’hospitalité et du sang, j’étais agité de mille pensées. J’avais fait le mal, je sentais que le bien lui était préférable : mais le premier était plus aisé, plus joli ; et toutes mes réflexions se terminaient à ces courtes paroles : pourquoi es-tu jeune ? pourquoi n’avais-tu pas jeté ta gourme ? et pourquoi ta cousine Sophie était-elle si aimable ?

Je sortis du château, car le bonhomme m’avait dit vingt fois de sortir de chez lui, avec cette fureur de répéter ces choses, que possèdent si parfaitement les vieilles gens. Je vins tristement à Paris. Je trouvai mon cousin, à qui je contai naturellement l’aventure. Ce jeune homme, qui vivait dans la bonne compagnie, voulut d’abord m’égorger ; nous mîmes l’épée à la main ; en ferraillant, la réflexion lui vint ; il blâma les vivacités, l’impru-