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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

quées toute la vie. Nos Français, par exemple, qui ont le secours des éducations les meilleures possibles, ne deviennent sages que vers quarante ans ; on serait honteux dans notre nation de l’être avant cet âge. Notre gourme française est plus douce, mais plus lente à pousser, c’est la petite vérole d’hiver ; votre philosophe n’en garantira point son Émile ; son livre est tout au plus le secret de l’inoculation. »

J’allai saluer ma tante, je trouvai ma cousine Sophie. Cette fille se faisait adorer de tous ceux qui la voyaient ; son père et sa mère la veillaient si attentivement, que personne n’avait encore osé lui déclarer les sentiments qu’elle inspirait ; et le cœur sensible de ma cousine n’avait fait que soupirer. J’étais le premier homme qui parlait librement à Sophie ; je lui dis des douceurs, et quoiqu’elle fût la nièce de mon père, je ne trouvai point d’obstacle à l’aimer.

Comme j’étais persuadé que ma cousine ne pouvait être sage qu’après avoir jeté sa gourme, je sentis du goût à hâter son avancement. Après quinze jours de soins, pour nous rapprocher encore plus près, nous sautâmes tous deux à pieds joints les degrés de la consanguinité : je couchai avec ma cousine. Une femme de chambre, qui n’avait pas encore atteint l’âge de l’instruction, mais qui savait se rendre utile comme les bonnes femmes de chambre, nous couvrit du voile de la discrétion : depuis trois semaines, je partageais la couche délicieuse de ma cousine.