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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

nous, que la nature à avantagés d’une vue fine et perçante, nous ne voyons au travers de vos paupières malades que quelques grains de poussière tombés dans vos yeux ; l’œil vous en cuit, vous aurez beau le frotter, vous ne verrez pas plus clair que les autres dans les profondes ténèbres qui enveloppent ce globe. Plus sages que les rabbins et les docteurs, tâchez de faire sortir cette poussière de votre œil, et songez toujours que cette pierre céleste n’a jamais existé en entier sur la terre, et qu’il faut être parfaitement insensé pour se flatter d’être parfaitement sage.

Le philosophe se croyait trop éclairé pour se rendre à la logique des ours blancs ; il quitta ses chers frères ; le portier de l’Académie le transporta sur son dos dans l’île de Robinson Crusoé, où il bâtit son collège pour l’éducation des garçons menuisiers, des paysans et des princes. Ce fut à cette fameuse école que mes ancêtres furent élevés. Mon grand-père, mes oncles, mes tantes et surtout ma cousine Sophie, y avaient puisé abondamment les principes de son inconcevable philosophie.

Mon grand-père, qui aimait tendrement ses petits-fils, se chargea lui-même de mon éducation. Dès que je sortis du sein maternel, il me mit sur la paille ; la nuit je pissais dans la paille. Le bonhomme était enchanté des progrès de mon éducation, lorsqu’il voyait que j’avais la paille collée au derrière. Cette paille, disait-il, doit étouffer dès le berceau les premiers feux de l’amour-propre, et