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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

château ? — C’est le château de Bicêtre. » Nous en fûmes étonnés.

« Si l’on savait que je fusse ici, continua Xan-Xung, avant deux fois vingt-quatre heures un faquin nommé d’Émery viendrait me prendre, me claquemurerait pour la vie dans un endroit appelé le Galbanum, où quatre pieds carrés seraient mon tombeau ; du pain noir et de l’eau entretiendraient ma triste existence ; j’aurais beau crier après ma chère Lucrèce, personne ne m’entendrait dans ce sépulcre affreux des vivants ; le souvenir de mon épouse, ses traits, qui adoucissaient ma vie, seraient les bourreaux constants de mon cœur, mes pensées toujours vers Lucrèce… » Il répandit des larmes, il ne put achever.

Troublée du discours de Xang-Xung, je lui dis : « Tu as donc fait des crimes horribles ? tu as donc voulu, scélérat, attenter aux jours sacrés du Roi ? » — « Ah ? Madame, répondit-il en tremblant, vous me faites frémir, j’adore mon Roi ; un cœur comme le sien a tous les hommages de son peuple ; la Nation a assez gémi d’avoir produit un monstre, nos cœurs, plus serrés que jamais contre le sien, font un mur inaccessible que personne ne pourrait percer. Ce Monarque est si bienfaisant : qu’on examine son règne, que l’on compte les minutes de sa vie, on ne verra point un instant où notre Souverain ait fait le moindre mal à aucun de ses sujets : au contraire, plus grand mille fois que l’époux d’Alzire, que nous admirons après des crimes, Louis n’a-t-il