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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

velle allure leur a donné un peu de considération dans ce monde, et l’avantage d’être impertinents chez l’étranger. Imitez ces jolis animaux, les Anglais, les Allemands, les Suisses et toutes les nations les copient ; copiez-les aussi ; vous réussirez peut-être mieux que toutes les nations, si vous pouvez être moins ridicules que toutes les nations.

Pour engager plutôt les ours à marcher un peu mieux que les Présidents de Toulouse, qui ont sacrifié l’innocent Calas, le philosophe suisse leur dit : « J’ai tourné longtemps à Paris dans le tourbillon de la bonne compagnie de quelques citoyens de Genève, qui vendaient de mauvaises montres à répétition et de bons paquets de Faltra ; je les régalais quelquefois de concerts italiens. En cherchant de la bonne musique sur les boulevards, j’ai rencontré de vos frères qui marchaient à deux pieds ; il est vrai qu’ils tenaient, comme les Suisses, les pieds en dedans ; mais, en revanche, ils faisaient la révérence comme les gens du Marais, et l’exercice à la prussienne aussi bien que le guet à pied de Paris. »

Le système du philosophe ne fut point goûté ; les ours blancs, accoutumés depuis la création à marcher tout naturellement à quatre pattes, ne voulurent point changer leur marche. Les lettrés du pays lui dirent : « Frère, la sagesse est une pierre tombée du ciel ; en tombant, elle s’est brisée en mille pièces : vous croyez peut-être avoir tous les morceaux de la pierre, vous vous trompez ». Pour