Page:Dulaurens - Imirce, ou la Fille de la nature, 1922.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
275
IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

pleurs éteignirent mon désespoir, je sentis naître dans mon âme cette chère tristesse, que la nature accorde aux cœurs sensibles, qui, sans adoucir tout à fait nos maux, leur donne un soulagement qui rend supportables les plus affreux malheurs.

La tendresse de Xan-Xung et de Lucrèce nous faisait plaisir ; le Comte me priait de les rendre heureux. Un matin je dis au Chinois : « Votre amour pour ma fille m’est trop agréable, je vous estime et j’accorde Lucrèce à vos vœux. » Ma fille, transportée de joie, sauta à mon col, à celui de son père et de son amant. Ce dernier versa des larmes de joie et de tristesse et me dit : « Madame, que je suis heureux de voir ma passion approuvée d’une femme aussi sage que vous ; je voudrais accepter la main de Lucrèce, mais un château à une lieue de Paris met un obstacle invincible à mes désirs. » À ce propos, nous nous regardâmes les uns et les autres, nous crûmes que la tête avait tourné au petit-fils du Tonquin de la Chine. — « Es-tu fou, mon pauvre Xan-Xung ? Quel rapport y a-t-il entre ma fille et ton château auprès de Paris ? Es-tu seigneur de cette campagne ? — Hélas ! si elle m’appartenait, je mettrais dès l’instant à la porte tous les gens qui y sont. — Tu serais méchant. — Non, madame, je suis incapable de l’être. — Mais tu écartes la question ; je ne puis concevoir comment un château qui n’est point à toi peut t’empêcher de t’unir avec une fille que tu aimes ; enfin, quel est donc ce