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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

enflamma le bûcher. « Ô main barbare ! ô prêtre de sang ! ô la Mecque coupable ! tu détruis dans tes feux sacrilèges un être plus beau, plus parfait mille fois que les héros subalternes, que tu présentes aux hommages des peuples. Ô foudre redoutable d’un Dieu vengeur ! que fais-tu dans le sein tranquille de la clémence, où le Ciel te tient enchaînée ! brises avec éclat les fers qui te retiennent, et viens réduire en poudre une ville affreuse, où règnent l’orgueil, l’avarice, l’horreur et le sang. »

Ma santé était rétablie, lorsqu’on m’apprit le sort affreux de mon épouse et les dangers que je courrais à la Mecque. Le supplice d’Éphigénie frappa tellement mon cœur que je devins immobile. Je restai six heures dans cet état horrible, on me mit au lit, on attendait à chaque instant de me voir expirer. Le calme de la nuit me tira de l’assoupissement où j’étais, je renvoyai les personnes qui me veillaient, sous prétexte de reposer plus tranquillement ; mes fureurs me reprirent, je me levai, je sortis de la maison sans être aperçu ; je courus sur la place où l’on avait exécuté ma malheureuse épouse ; à la lueur de la lune, je vis encore l’endroit marqué de noir, je baisais mille fois ce pavé précieux, plus sacré pour moi que le Saint-Bethala.[1]

Mes larmes coulèrent tout à coup, je les mêlais avec douceur au reste des cendres d’Éphigénie, ces

  1. La Sainte-Chapelle de la Mecque, où est le corps du prophète des croyants.