Page:Dulaurens - Imirce, ou la Fille de la nature, 1922.djvu/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
273
IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

me saigna douze fois, je fus huit jours sans connaissance et sans proférer d’autre parole que le nom d’Éphigénie.

Pendant ce temps, on procédait contre ma femme et mon grand-père ; ils furent condamnés à être brûlés. « Ô miroir de l’amour ! ô baume de l’innocence ! ô belle Éphigénie ! tes mains si délicates, faites pour porter les plus belles perles de l’Inde et les richesses du Potosi furent chargées de fers pesants ; ton front où siégeaient la décence et la pudeur, fut ceint d’un voile épais et noir ; ton sein délicieux qui effaçait la douceur des fleurs, fut couvert d’un crêpe d’auto-da-fé ; tes pieds tendres, sous lesquels germaient les roses de la volupté, furent déchirés sur le dur pavé de la Mecque. C’est ainsi, ô chère, ô malheureuse compagne, que des barbares te conduisirent au supplice. »

Arrivée au pied du bûcher, les bourreaux, sensibles aux charmes d’Éphigénie, sentirent amollir leurs cœurs d’acier. Ce fut en mouillant ses chaînes de leurs larmes qu’ils l’attachèrent avec mon grand-père au poteau fatal ; mais quelle surprise ! au moment de porter la flamme, les bourreaux frémissent d’horreur, se sauvent en se frappant la poitrine. Les spectateurs attendris de la beauté ravissante de Mme Xan-Xung criaient grâce, appelaient le Ciel à son secours, personne n’osait mettre le feu au bûcher. Un monstre digne des enfers, un bonze cruel s’avança, prit le tison fatal, et croyant le Ciel ouvert pour bénir son crime, il

18