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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

grand-père, Le papa, dans sa jeunesse, avait demeuré à la Mecque ; il connaissait la puissance et la force de l’imbécillité humaine ; il prit de l’humeur, le bonhomme en était plein, et sous l’idée d’être utile à l’humanité en corrigeant les hommes, il fit un discours qui ne flatta point le Moufti et les fakirs, accoutumés depuis si longtemps à la douce vapeur des encens de la superstition ; on me fit sortir de l’assemblée, on garda ma femme, dans l’espoir de tirer plus aisément, de la timidité de son sexe, de quoi nous rendre coupables.

Deux négociants français, informés de la cabale des Phrynés de la Mecque, m’attendaient à la porte pour savoir le résultat de notre audience. Ils furent agréablement surpris de me revoir et me dirent : « Fuyez, vos jours sont en danger, on n’aime point ici la vérité, on la craint plus que l’erreur ; le Moufti veut toujours avoir raison, votre femme n’a rien à appréhender, sa beauté adoucira ces tigres tondus ; M. Lionceau restera pour l’attendre, je vous conduirai chez un négociant de notre nation où vous serez en sûreté. » Je suivis le conseil de mes amis.

Lionceau vint deux heures après nous annoncer qu’Éphigénie était dans les prisons du Moufti, qu’on parlait de l’immoler au ressentiment de ses rivales. Cette nouvelle me mit dans une colère forcenée. Je voulais partir, arracher mon épouse de sa prison ; on me retint : un délire animé, une fièvre confuse, que la rage redoublait, me mirent au tombeau ; on