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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

du mois, elle serait bien logée à la boutique du Cœur-Percé[1]. Vous entendez ce que je veux vous dire ? — Oh ! cela ne fait rien, nous la guérirons. — Ne vous pressez point au moins, M. Dressant. »

Dressant monta chez sa maîtresse ; il la trouva endormie sur un paquet de linge sale : « Qu’elle est belle ! dit-il en la voyant, c’est l’amour qui sommeille ; que celui qui a imaginé les filles avait de l’esprit ! Il en avait plus que moi ! Quoique Kitty ronfle, disons-lui de jolies choses, exprimons tout ce que nous sentons pour elle, elle ne m’entendra point, je serai plus hardi. » Dressant se déclara à sa maîtresse, jura mille et mille fois qu’il n’adorait qu’elle. Pressé du feu qui dévorait son âme, il tira la bergère par le bras, et lui dit : « Les cœurs vous viennent en dormant, belle Kitty, comme la barbe m’a poussé au menton. Voulez-vous agréer mes feux ? Je suis fol d’amour, tâchez de devenir aussi folle que moi ; quand nous serons bien fous tous deux, nous nous marierons, c’est le véritable moyen de faire des enfants fort sages. »

« Vous me surprenez, Monsieur Dressant, dit Kitty en bâillant, comment de faibles charmes comme les miens ont-ils pu rendre sensible un cœur comme le vôtre ? — Ah, Miss, vos beaux yeux, votre belle bouche, votre nez, tout cela est si parfaitement attaché ensemble que vous paraissez tout d’une

  1. Terme de convenance et de bienséance, dont se sert le beau sexe anglais pour cacher aux profanes les jours mystérieux qu’il consacre à l’amante d’Endymion.