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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

faisaient un O ; qu’il ne fallait pas heurter les lettres, ni souffleter M. Restaut et l’Académie, qui assurent qu’un I doit être un I, et non point un O ; que de pareilles nouveautés faisaient trop remarquer l’inconstance des langues et celle des femmes.

Dressant, devenu grand garçon, se prit des appas d’une lavandière. Cette fille était blanche comme la nuit, et grasse comme un artichaut. Kitty, selon les us et coutumes des gens de son état, était venue au monde huit mois avant le mariage de Madame sa mère. M. Crincrin, son père, était un joueur de violon, plein de capacité ; Madame sa mère, une ravaudeuse en gros, remplie d’érudition. Kitty dansait comme une peinture sans avoir appris, chantait sans avoir appris, et raisonnait sans avoir appris. Ses doigts avaient été profondément cultivés, elle tricotait mieux qu’une princesse, piquait des bonnets de nuit, et supérieurement les cravates et les chaussons anglais.

Cette fille, puissamment éduquée, sentit, vers quatorze ans, quelques légères douleurs. La nature qui travaillait alors pour elle-même l’avait caressée de ses plus gracieuses faveurs en développant les germes prolifiques de la fécondité. Kitty, étonnée du spectacle, alla trouver sa mère, et lui dit d’un air épouvanté : « Mon Dieu, ma mère, j’ai… » Mme Crincrin, qui comprit d’abord ce que sa fille voulait lui dire, lui répondit : « Tais-toi, chienne de sotte, ne vois-tu pas bien que ce sont tes fleurs. »