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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

dans l’iau. » — « Chiennes de coquines, vous tairez-vous, dit encore une fois mon grand-père ? » Ces femmes s’échauffèrent, une, plus vive que les autres, prit la momie et la jeta dans la rivière.

Sans me fâcher inutilement contre ces femmes, je payai le batelier ; je me fis mener à bord, je suivis le cours de la Seine. Mon grand-père jurait, tempêtait dans l’eau comme le tonnerre dans les nues. Il fut rendu plus tôt que moi aux filets de Saint-Cloud. Les pêcheurs voyant flotter un cadavre, entendant des cris, crurent que c’était un nègre ; ils pêchèrent mon grand-père ; aussitôt qu’il fut à terre, il commença à jurer, les pêcheurs et le peuple attroupés fuirent en faisant des signes de croix ; les bateliers croyaient avoir pêché le diable. Mon grand-père m’accabla d’un million d’injures : « Crâne à l’envers, chien d’insensé, malheureux étourdi, tu ne vois que de la canaille, de la mauvaise compagnie… si ton père savait ta conduite… tu voyages avec des maquerelles, des poissardes. »

La frayeur du diable avait alarmé tout Saint-Cloud ; des fanatiques qui me croyaient d’intelligence avec l’esprit malin voulurent m’arrêter ; quelques personnes instruites de l’histoire de la momie les en empêchèrent, et cette scène se termina comme les aventures qui arrivent en France, par la plaisanterie et le sarcasme. Mon grand-père qui se souvenait d’avoir été tonquin à la Chine et favori de François Ier, était gros d’humeur. « Il faut que tu me ramènes à Paris, me dit-il, je te défends de