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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

le crois, votre siècle sortait à peine de la barbarie et de l’ignorance ; mais dans le siècle des lumières, des petites têtes et des chapeaux plats, nous avons des immortels fixés ordinairement par la police au nombre de quarante. — Que dit ce bavard avec sa police et ses immortels ? — Ce sont les quarante messieurs receveurs des jetons de l’Académie française, qui ont donné à toute l’Europe des signes éclatants d’immortalité en étudiant vingt-cinq ans la lettre A ; enfin, ce sont des savants qui ont décidé qu’il fallait dire vis-à-vis des Porcherons, et non pas vis-à-vis les Porcherons, parce que vis-à-vis régit le génitif. — Dans ton siècle de lumières, tu donnes l’immortalité bien généreusement ; du temps de François Ier, on ne l’accordait qu’à ceux qui faisaient bonne contenance vis-à-vis de l’ennemi, et qui repoussaient vis-à-vis d’eux les troupes de Charles-Quint. »

Je conduisis mon grand-père chez un de mes amis dans la rue Saint-Victor ; en traversant celle de la Boucherie, la portière du fiacre s’ouvrit, la momie tomba, un chien de boucher sauta dessus, la prit par la gorge et l’emporta. Je sautai de la voiture, je courus après mon grand-père en suivant toujours le chien ; il entra avec sa proie dans l’église Saint-Séverin, où l’on chantait la messe d’un enterrement ; c’en était à ce que les bonnes gens appellent l’élévation ; le malheureux chien, sans être aperçu, alla déposer mon grand-père sous le poële du mort, à dessein, sans doute, de le ronger plus à son aise.