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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

doise était curieuse ; comme j’avais eu l’attention de ne pas la laisser entrer dans le cabinet, elle voulut savoir ce que je faisais toute la journée dans cet endroit ; sans paraître trop empressé à la satisfaire, je lui dis, d’un ton négligé, que j’y goûtais des plaisirs inexprimables. J’avais posé la momie sur un piédestal ; au bas, j’avais écrit : « Celui qui soufflera au derrière de cette momie, l’entendra parler, et verra des choses merveilleuses. »

La Vermandoise m’obsédait jour et nuit pour voir la momie. Un matin, me croyant endormi, elle s’empara de la clef du cabinet ; pour la laisser libre, je me levai sous le prétexte de rendre visite au Marais ; je sortis, je montai doucement à la chambre au-dessus du cabinet ; dès que je fus parti, la nouvelle Ève s’habilla, alla au cabinet, y resta une heure ; au bout de ce temps, j’entendis les cris de la Vermandoise et la voix de mon grand-père ; je descendis subitement : la pauvre fille était dans un état risible, je la soulageai, elle vomissait mille injures ; mon grand-père me chapitrait : « Tu es bien libertin, tu changes souvent de coquines, l’argent de ton père est maudit ; hélas ! pauvres parents, économisez, donnez-vous des peines pour faire valoir votre bien, un coquin d’enfant, un jeune étourdi moissonne, consume dans six mois le fruit de vos travaux immenses, et pour lui l’équivalent de la raison. »

Je représentai à mon aïeul la nécessité où j’étais d’avoir une fille pour le faire parler, l’impossibilité