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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

noine de nos cousins. Dès l’âge de quatre ans, notre cousine Frétillon formait des g… avec sa bavette ; et quand cette belle enfant pouvait attraper le chat, elle se servait de sa patte pour se gratter, et de la queue pour se chatouiller ; à peine eut-elle le soupçon d’une gorge naissante, qu’elle affectait des airs penchés, et se conciliait d’avance la bienveillance des polissons de son voisinage.

« Frétillon ne tarda point à faire usage de ses rares talents ; comme elle était d’une sagesse très agissante, elle sacrifia généreusement les agréments de l’innocence et de la vertu qui ne l’affectaient pas, aux plaisirs qu’elle tentait ; elle disposa en faveur des barons allemands, des conseillers de Rouen et des horlogers de la même ville, d’un bien qui ne pouvait rassasier qu’un prince de théâtre, ou quelques gagistes de la comédie.

« Notre parente s’étala sur les planches de l’Opéra, et ne fit que discorder dans les cœurs de l’Académie de Musique ; elle parut au Théâtre-Français, associée à la compagnie des histrions du roi ; elle égala bientôt Mlle Duménil. Notre cousine fut appelée la merveille de son siècle, la Melpomène de la rue de la Comédie, et le chef-d’œuvre de l’art dramatique, à cause qu’elle prononçait bien les vers. Les grands et les personnes prodigieusement sensées de Paris lui firent la cour ; elle fut plus fêtée, plus léchée et plus mitonnée que M. Colardeau, notre cousin, qui fait si joliment des vers, parce qu’à Paris on aime, on chante, on admire davan-