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IMIRCE OU LA FILLE DE LA NATURE

qu’il aime les hommes dans ce monde et dans l’autre ? »

« Calmez-vous, mon papa, lui dis-je fort doucement, je ris de l’idée qu’une âme ou une roue puisse avoir du plaisir à tourner. Voyez cette bête, dont la roue est terriblement carrée et épaisse, comme elle raisonne ? — Le Tien n’est-il pas tout-puissant ? ne peut-il pas accorder à la mobilité, ou mieux au mouvement perpétuel, des plaisirs dignes de lui ? le repos de la matière n’est-il pas un vice qui touche au néant ? Rien ne peut exister dans le monde sans mouvement ; si ton corps plat, cette longue et impertinente surface, a du plaisir lorsque tu caresses la coquine qui m’a soufflé au derrière, à qui dois-tu ce plaisir, sinon au mouvement, au frottement et à l’agitation ? Le Tien, qui a donné du plaisir à ta surface, ne peut-il pas donner à ta roue des plaisirs dix millions de fois plus délicieux en la mettant rapidement en mouvement, que ceux que tu goûtes avec ta garce ?

« Ton grand prophète Mahomet dit que tu auras du plaisir à regarder, à admirer dans son paradis les belles houris aux yeux bleus, crois-tu que toujours tourner ne t’affectera point davantage ? tes extases approchent du néant, le tournoiement perpétuel de l’activité du premier principe. Mahomet borne ton dieu dans l’éternité à contempler son excellence ; toujours s’admirer est le talent d’un sot, le mien est dans un mouvement continuel ; tes bienheureux Turcs seront rencognés dans leur paradis, nos roues